Proposition de Réforme de la Constitution : Rapport destiné aux amis de Cuba Socialiste

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par Graciela Ramírez, Correspondante du Resumen Latinoamericano à Cuba

traduction Françoise Lopez pour Bolivar Infos

Constitucion1x

A peine achevés les débats sur la Réforme de la Constitution Cubaine, les journaux Clarín, El País, Nuevo Mundo et El Comercio du Pérou, entre autres, ont engagé une campagne médiatique pour créer la confusion dans les rangs de la gauche et des secteurs progressistes en oubliant le contenu véritable de ce qui est discuté et sans mentionner ce que signifie pour l’Amérique Latine et les pays du Tiers-Monde d’être arrivés invaincus au 65° anniversaire de l’Attaque des Casernes Moncada et Carlos Manuel de Céspedes.

Cela rend nécessaire, une fois de plus, de prendre connaissance de la vérité et de nous éloigner de la lecture superficielle pour pouvoir nous opposer à l’attaque médiatique qui va certainement venir.

Pour qu’on puisse comprendre plus clairement, je vais essayer de l’exposer à travers les questions ont été posées ces jours-ci à nos correspondants aussi bien par des médias de contrinformation que par des amis de Cuba Socialiste. 

Comment s’est passée la discussion de l’Avant-projet ?

Lors d’intenses session de profonde analyse et de discussion, plus de 600 parlementaires cubains – dont la plupart sont des femmes – ont débattu du 20 au 22 juillet, l’Avant-projet de Réforme de la Constitution de la République de Cuba, un document qui a été élaboré par la Commission Parlementaire créée à cet effet et présidée par Raúl Castro. Le projet qui sera soumis au peuple pour être discuté et enrichi a été approuvé par l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire (ANPP) (le Congrès).

La consultation populaire aura lieu dans tous les centres de travail et d’étude, dans les champs, les montagnes et les collines, dans chaque municipalité et dans chaque quartier de tout le pays du 13 de août au 15 novembre de cette année.

En attendant tenant compte des propositions du peuple, on rédigera la version définitive qui sera soumise à l’approbation de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire et ensuite aura lieu un referendum.

Le texte se compose d’un Préambule, de 224 Articles (87 de plus que la Constitution actuelle), divisés en 11 titres, 24 chapitres et 16 sections. 11 articles de la Constitution actuelle sont maintenus, 113 sont modifiés et 13 sont supprimés.

Quelles ont été les références idéologiques et conceptuelles obligatoires ?

En premier lieu, la pensée politique de Fidel, le dirigeant historique de la Révolution Cubaine. Les discours et les orientations de Raúl, la Conceptualisation du Modèle Economique et Social Cubains de Développement Socialiste, le Plan National de Développement Économique et Social jusqu’en 2030: Vision de la Nation, Axes et Secteurs stratégiques, les Grandes Lignes de la Politique Economique et Sociale du Parti et de la Révolution, les Objectifs de Travail du Parti, approuvés à la Première Conférence Nationale.

On a consulté plusieurs Constitutions d’Amérique Latine qui représentent de grandes avancées constitutionnelles parmi lesquelles celles du Venezuela, de la Bolivia et de l’Equateur ainsi que d’autres modèles constitutionnels de nations socialistes aux caractéristiques particulières comme ceux du Vietnam et de la Chine. Des textes constitutionnels d’autres pays ont aussi été consultés.

On a étudié en profondeur l’histoire des constitutions de Cuba, en particulier la Constitution de 1940, la Lou Fondamentale de 1959 et la Constitution actuelle.

Comment a débuté ce processus nécessaire de transformation ?

2012: Pendant la Première Conférence Nationale du Parti Communiste de Cuba, le 28 janvier 2012, Raúl Castro a déclaré : « …laissez derrière nous l’obstacle de la vieille mentalité et forger, avec une mentalité transformatrice et beaucoup de sensibilité politique, une vision dirigée vers le présent et l’avenir de la Patrie sans abandonner, même un instant, l’héritage de José Marti et la doctrine du marxisme-léninisme qui constituent le fondement idéologique essentiel de notre processus révolutionnaire. »

2013-2014: Le 13 mai 2013, le Bureau Politique crée le Groupe de Travail présidé par le Général d’Armée Raúl Castro, conformément aux Bases Législatives approuvées par cet organe le 29 juin 2014.

2018: Après l’étude détaillée de toutes ces années, le 2 juin dernier, à la session extraordinaire de l’ANPP a été approuvée la Commission chargée de la préparation du Projet de Constitution de la République. Les 2 et 3 juillet, l’Avant-Projet de Constitution présenté par la Commission devant la VII° Session Plénière du Comité Central du Parti Communiste de Cuba a été analysé.

Que dit le projet de Réforme de la Constitution qui sera soumis au peuple ?

Le Projet réaffirme :

Le caractère socialiste du système politique, économique et social cubain ainsi que le rôle de direction du Parti Communiste de Cuba. Le principe de propriété socialiste de tut le peuple sur les moyens fondamentaux et de planification demeure inchangé mais on y ajoute la reconnaissance du rôle du marché et de nouvelles formes de propriété non étatiques, y compris la propriété privée.

Il développe une large gamme de droits dont Cuba est signataire dans des organismes internationaux : droit à la défense, à un procès juste, à la participation du peuple et les droits économiques et sociaux sont reformulés.

Le droit à l’égalité est plus développé et il est précisé, entre autres choses, la non discrimination pour cause d’identité de genre, d’origine ethnique ou de handicap.

Il établit la possibilité de réclamation, de restitution, de réparation ou d’indemnisation pour les dommages et les préjudices causés par l’action ou l’omission des organes, des directeurs, des fonctionnaires ou des employés de l’Etat dans l’exercice inapproprié de leurs fonctions.

Concernant le mariage, la conception actuelle disant qu’il n’est possible « qu’entre un homme et une femme » a été modifiée pour « entre 2 personnes. »

Concernant les organes de l’Etat, on y inclut l’image du Président de la République en tant que Chef de l’Etat et du Premier Ministre en charge du Gouvernement de la République. Tous 2 doivent être députés à l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire.

Le Conseil d’Etat conserve son caractère d’organe permanent de l’ANPP et, pour une meilleure interaction, le Président, le Vice-président et le Secrétaire de l’ANPP assumeront ces fonctions dans les 2 institutions.

Il met en avant, parmi les les organes de l’Etat, le Conseil National Electoral et une Inspection Générale de la République est créée.

On élimine les assemblées provinciales du Pouvoir Populaire et on propose un Gouvernement Provincial composé par un Gouverneur et un Conseil Provincial.

Les municipalités prennent plus d’importance et d’autonomie. On ratifie le Conseil de l’Administration Municipale en tant qu’organe de direction et on établit la charge d’Intendant pour remplacer celle de Président et de Chef qui sont employées actuellement.

Sur le système électoral, on maintient le droit de vote des Cubains majeurs à 16 ans.

Pour la Défense et la Sécurité Nationale, on précise la mission du Conseil de Défense Nationale dont les facultés sont d’accomplir des tâches en temps de paix, en Situations de Désastre et les autres tâches à caractère exceptionnel.

Mécanisme de Réforme Constitutionnelle : A la différence de ce qui est fait actuellement, on précise ceux qui sont habilités à la promouvoir et les clauses d’intangibilité.

Quels sont les fondements politiques ?

Les fondements politiques sont différents des fondements économiques. La définition de l’Etat Cubain en tant qu’Etat socialiste de Droit réaffirme le principe de suprématie de la Constitution et de règne de la loi et renforce les institutions socialistes.

Quel sera le rôle du Parti ?

Le Parti Communiste de Cuba garde son rôle de force dirigeante supérieure de la société et de l’Etat et son caractère démocratique et sa relation permanente avec le peuple sont soulignés. 

Il est précisé que l’Etat reconnaît et garantit les formes d’association conformes à la loi. Ce qui concerne la relation entre l’Etat et l’Eglise est maintenu, pour l’essentiel.

Que signifie Etat Socialiste de Droit ?

L’obligation des institutions de l’Etat, grâce à sa direction, à ses fonctionnaires et à ses employés, de prendre soin du peuple, de maintenir des liens étroits avec celui-ci et de se soumettre à son contrôle selon les formes établies dans la Constitution et dans les lois.

Parmi les objectifs essentiels de l’Etat apparaissent :

Renforcer l’unité nationale.

Préserver la sécurité nationale.

Promouvoir un développement soutenable qui assure a prospérité individuelle et collective et travailler pour atteindre de meilleurs niveaux d’équité et de justice sociale et préserver et multiplier les réussites obtenues par la Révolution.

Renforcer l’idéologie et l’éthique inhérentes à a société socialiste.

Protéger le patrimoine naturel, historique et culturel de la nation.

La politique étrangère de la Révolution Cubaine :

Les principes de la politique étrangère sont ratifiés et on y incorpore :

La promotion et le respect du Droit International et de la multi-polarité dans les relations entre les Etats.

La condamnation de l’impérialisme, du fascisme, du colonialisme et du néocolonialisme dans toutes leurs manifestations.

La défense et la protection des Droits de l’Homme et le rejet de toute manifestation de racisme ou de discrimination.

La promotion du désarmement et le rejet de la prolifération des armes nucléaires, des armes de destruction massive et d’autres qui violent le Droit International Humanitaire.

Le rejet et la condamnation de toute forme de terrorisme et en particulier du terrorisme d’Etat. 

La protection et la conservation de l’environnement.

La lutte contre le changement climatique.

Fondements économiques :

A la propriété socialiste de tout le peuple sur les moyens essentiels de production et la l’économie planifiée actuellement présents dans la Constitution, s’ajoutent : 

La reconnaissance des diverses formes de propriété correspondant à la Conceptualisation du Modèle Économique et Social Cubain de Développement Socialiste et aux Grandes Lignes de la Politique Economique et Sociale du Parti et de la Révolution.

Il prend en considération et régule le marché dans le cadre de la planification économique sous le principe d’éviter les inégalités qu’il génère en fonction dans l’intérêt de la société.

Les différentes sortes de propriété qui peuvent coexister dans l’économie :

Propriété Socialiste de Tout le Peuple : coopérative, mixte, des organisations politiques, des organisations de masse et des organisations sociales. Le biens essentiels qui la composent sont énumérés et son caractère inaliénable et insaisissable est indiqué. Il reconnaît l’existence d’autres avec ce caractère et définit le régime légal de transmission de la propriété et d’autres droits.

Propriété privée et propriété personnelle.

Il reconnaît qu’il peut en exister d’autres et l’Etat stimulera celles qui ont le caractère le plus social.

Il prescrit comme précepte constitutionnel la non concentration de la propriété dans des entités non étatiques comme fondement du système socialiste cubain.

On maintient l’expropriation forcée bien qu’on précise qu’elle n’est autorisée que pour des raisons d’utilité publique ou d’intérêt de la société et avec l’indemnisation et les garanties dues. 

Il élimine la déclaration qui dit que les entreprises répondent seules de leurs obligations envers leurs ressources financières. On maintient le principe que l’Etat ne répond pas des obligations contractées par les entreprises et celles-ci ne répondent pas non plus des obligations de celui-ci.

Il dit que l’entreprise d’Etat est le sujet principal et reconnaît son autonomie en tant que principe essentiel de son fonctionnement.

Il affirme que l’Etat dirige, régule et contrôle l’activité économique et il met an avant la planification en tant qu’élément central du système de direction du développement économique et social dont la fonction est d’harmoniser l’activité économique en faveur de a société en conciliant les intérêts nationaux, territoriaux et des citoyens.

La planification constitue l’élément central du système de direction du développement économique et social. De même, il évoque la participation des travailleurs à la direction, à la régulation et au contrôle de l’activité économique.

Il reconnaît que l’Etat garantit l’investissement étranger et incorpore le respect de la souveraineté et de l’utilisation rationnelle des ressources.

Concernant la propriété privée de la terre, un régime spécial est maintenu dans lequel la vente ou la transmission ne pourront se faire que dans les limites qu’impose la loi et sans préjudice du droit de préférence de l’Etat à son acquisition par le paiement de son juste prix.

On ratifie l’interdiction de la location, du métayage, des hypothèques et de tout acte qui implique le paiement d’une taxe ou la cession des terres à des particuliers.

Citoyenneté

Le changement essentiel concerne la non admission de la double nationalité qui est remplacée par le principe de « citoyenneté effective » qui consiste en ce que « les citoyens cubains, sur le territoire national, sont régis par cette condition et ne peuvent faire usage d’une nationalité étrangère. »

Les droits et les devoirs actuellement dispersés dans la Constitution sont regroupés et on y en incorpore d’autres qui renforcent le régime de garanties des citoyens et le devoir de l’Etat envers eux.

Dans cette nouvelle formulation, on retrouve les droits reconnus par les différents accords et protocoles internationaux en matière de Droits de l’Homme que Cuba a ratifiés conformément aux principes du système politique cubains et sans se laisser sans protection face aux actions contre-révolutionnaires.

Il établit que les droits des personnes ne sont limités que par les droits des autres, la sécurité collective, le bien-être général, le respect de l’ordre public et toutes les obligations qu’établit l’ordre juridique du pays.

La santé publique :

Il affirme que la santé est un droit de tous et que l’Etat garantit l’accès et la gratuité des soins, de la protection et du rétablissement de la santé et charge la loi de fixer la façon dont les services de santé seront prêtés.

L’éducation :

Il établit qu’elle est gratuite de la maternelle à l’université. Il définit l’éducation comme laïque et comme un droit de tous et une responsabilité de l’Etat, de la société et des familles.

Nouveaux droits en matière de justice et de procès équitable :

Habeas Corpus (procédure pour éviter les détentions arbitraires), garanties de l’individu arrêté ou emprisonné.

Droit des citoyens à être informés, droit à connaître les informations sur sa personne conservées dans des archives ou des registres publics, réinsertion sociale des condamnés à la privation de liberté, etc…

Droits des personnes mis en avant :

Participer à la vie culturelle et artistique du pays.

Que le travail soit rémunéré en fonction de sa quantité, de sa complexité, de sa qualité et des résultats obtenus.

Il incorpore le droit des personnes à consommer des biens et des services de qualité et à accéder à une information sur ceux-ci et à recevoir un traitement adéquat.

On précise les droits et les devoirs civiques et politiques des citoyens. Il établit des mécanismes de défense devant les tribunaux pour la sauvegarde de leurs droits.

Principes de la Politique de l’Education, de la Culture et des Sciences :

A cause de son importance, on maintient la politique de l’Education, de la Culture et des Sciences qui représente l’importance des valeurs éthiques, civiques et révolutionnaires pour les nouvelles générations ainsi que la protection que l’Etat apporte à l’identité culturelle, à la conservation du patrimoine et du patrimoine et de la richesse artistique et historique du pays.

Défense et Sécurité Nationale :

sous la conception stratégique de la Guerre de tout le Peuple en tant que doctrine de Défense Nationale, il définit les principes de la politique de Défense et de Sécurité Nationale du pays.

Le Conseil de Défense Nationale est défini comme l’organe supérieur de l’Etat dont la mission essentielle est d’organiser, de diriger et de préparer, en temps de paix, la paix à se défendre et on a ajouté qu’il veille au respect des règles approuvées concernant la défense et la sécurité du pays, ce qui rend son activité permanente à tout instant.

Dans les situations exceptionnelles et de désastre, il dirige le pays et assume les attributions qui reviennent aux organes de l’Etat et au Gouvernement à l’exception de la faculté constituante.

Cet organe sera composé par le vice-président de la République qui le préside et à son tour, désignera un vice-président et d’autres membres conformément à la loi.

Il est également dit que les institutions armées de l’Etat sont les Forces Armées Révolutionnaires et les formations armées du Ministère de l’Intérieur et que pour remplir leurs fonctions, celles-ci ont du personnel militaire et civil.

Réforme de la Constitution :

Ce projet réaffirme que la Constitution ne peut être modifiée que par l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire par un accord adopté suite à un vote nominal par les 2 tiers de ses membres.

Il établit que peuvent promouvoir des réformes de la Constitution le Président de la République, le Conseil d’Etat, le Conseil des Ministres, les députés de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire sur proposition écrite d’au moins le tiers de ses membres et les citoyens grâce à une pétition adressée à l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire signée devant le Conseil national Electoral par au moins 500 000 électeurs.

Concernant les attributions et l’intégration de l’Assemblée Nationale du Pouvoir Populaire ou du Conseil d’Etat, des attributions ou de la durée du mandat du Président de la République et des droits, devoirs et garanties consacrés dans la Constitution, il faut, en plus, qu’ils soient ratifiés par le vote de la majorité des électeurs du pays dans un referendum organisé à cet effet.

Ne sera pas réformable ce qui concerne l’irrévocabilité du socialisme et du système politique, social et économique ainsi que l’interdiction de négocier sous l’agression, sous la menace ou la coercition d’une puissance étrangère. 

Nous reviendrons sur ces informations pour les compléter aussi souvent que ce sera nécessaire mais il faut aussi se demander : quel pays de la Terre discute de sa Constitution avec ses citoyens ?

Note : Informations prises dans le Supplément Spécial de Granma, 23 juillet 2018, pages 2 à 12.

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