« Cuba quelle évolution du droit, quelle coopération avec la France ? »

0

Conférence de Dominique Hector. (article de Miguel Quintero)

Docteur en droit, Chef de projet de coopération juridique internationale à Cuba et Directeur de l’Institut de droit comparé cubano-français à Cuba (actualisation du système juridique de Cuba. 2001-2003).

Organisée par François Michel Lambert.

Député des Bouches du Rhône. Président du groupe d’amitié France-Cuba

Tenue à l’Assemblée Nationale 5 octobre 2021, en présence de plusieurs participants dont l’association Cuba Linda

Dominique Hector a participé au projet d’actualisation du système juridique de Cuba entre 2001 et 2003 entre des juristes français et cubains. Les échanges ont été facilités grâce à un intérêt identique des deux parties pour le droit civil. En effet, de nombreuses sources du droit sont similaires en France et à Cuba.

Cuba est un Etat de droit avec une organisation juridique très importante. Son Journal Officiel (La Gaceta Oficial de la República de Cuba) s’inspire directement du principe de la publicité des lois, issu de la Révolution française. Par exemple, la Constitution de 2019 a fait l’objet d’un large débat préalable qui a concerné toute la population pendant plusieurs mois.

Les tribunaux sont organisés au niveau municipal et provincial et sont coiffés par un Tribunal suprême. Ils comprennent plusieurs salles (pénal, civil et administratif, économique, travail, etc.).

Une série de réformes longuement réfléchies :

L’évolution en cours concerne l’organisation des entreprises et, en conséquence, l’organisation du droit.

Il s’agit donc d’une série de réformes considérables, destinées à améliorer le fonctionnement économique du pays, qui se situent dans la droite ligne des orientations définies par le 6ème congrès du Parti communiste de Cuba en 2011 (Lineamientos de la política económica y social del Partido y la Revolución).

La résolution votée à cette occasion précisait que :

« Les Orientations définissent que le système économique qui va prévaloir continuera de se baser sur la propriété socialiste de l’ensemble du peuple sur les moyens fondamentaux de production, qui devra être guidé par le principe de distribution socialiste « de chacun selon ses capacités, à chacun selon son travail ».

La politique économique du Parti sera en adéquation avec le principe que seul le socialisme est capable de vaincre les difficultés et préserver les conquêtes de la Révolution, et que la planification primera dans l’actualisation du modèle économique, en tenant compte des tendances du marché.

Ces principes devront être en harmonie avec une plus grande autonomie des entreprises étatiques et le développement d’autres formes de gestion. En plus de l’entreprise étatique socialiste, forme principale de l’économie nationale, le modèle reconnaîtra et promouvra d’autres formes comme l’investissement étranger, les coopératives, les petits agriculteurs, les métayers, les travailleurs indépendants et les autres formes qui pourraient surgir afin de contribuer à en améliorer l’efficacité ».

Des réformes qui n’affectent pas le caractère socialiste du système social cubain :

La réforme des entreprises étatiques passe par le détachement de leurs ministères de tutelle et la recherche d’une plus grande autonomie dans leur gestion.

A partir de 2011, plusieurs textes ont commencé à organiser le cadre de l’activité des travailleurs indépendants (obligation de tenir une comptabilité, de payer des impôts, etc.) et des coopératives non agricoles (transport, par exemple).

La Constitution, ratifiée par un référendum en 2019 (86,85 % de oui), souligne le caractère irrévocable du socialisme comme système social  du pays. Elle prévoit l’ouverture de son économie au marché, à la propriété privée et à l’investissement étranger, sous le contrôle de l’Etat.

Contrairement à une opinion répandue, 78 % des Cubains sont propriétaires de leur terre ou de leur maison.

Comme en France, les travailleurs indépendants pourront n’affecter qu’une partie de leur patrimoine à leur activité économique afin de diminuer les risques en cas de faillite.

De nouvelles formes de propriété ont été définies (étatiques, mixtes et privées) avec les conséquences juridiques que cela entraîne (création de sociétés à responsabilité limitée, traitement des procédures collectives en cas de difficultés financières, traitement des conflits entre entreprises, relations avec les salariés, réforme du code de procédure civile, réforme du droit administratif, procédures accélérées en matière commerciale, etc.).

Les différents types de micros, petites et moyennes entreprises (MIPYMES) ont été définis :

  • Micro entreprise 1 à 10 salariés
  • Petite entreprise 11 à 35 salariés
  • Moyenne entreprise 36 à 100 salariés.

Les nouvelles entreprises auront la possibilité d’importer et d’exporter directement.

En août 2021, neuf décrets-lois ont été pris par le Conseil d’Etat afin de renforcer l’actualisation du modèle socioéconomique du pays et la modernisation de la structure des entreprises.

Le 20 septembre 2021, jour de la mise en œuvre des nouvelles normes cubaines régulant la constitution et le fonctionnement des MIPYMES (PME), des coopératives non agricoles ou les travailleurs indépendants, 75 demandes avaient déjà été reçues par le ministère de l’Economie.

Il ne s’agit pas d’une ouverture du marché à l’économie capitaliste, mais de la recherche d’une efficacité économique plus grande destinée à mieux répondre aux besoins de la population.

Cependant, Cuba reste prisonnière du blocus instauré par les USA, depuis 60 ans, qui va poser de nombreuses entraves au développement de ces réformes (interdiction d’utiliser des dollars dans les échanges internationaux, interdiction de vendre à Cuba des produits comprenant un pourcentage d’éléments étasuniens, interdiction aux bateaux ayant desservi Cuba d’aller aux USA,  très importantes pénalités infligées aux banques ayant travaillé avec Cuba, etc.).

Des échanges et coopérations, entre la France et Cuba, sont possibles et souhaitables :

En fin de conférence, Dominique Hector, a estimé qu’il est possible et souhaitable que la France développe des échanges et des coopérations dans le domaine du droit avec Cuba (par exemple : les procédures d’autorisation concernant des impacts environnementaux), d’autant que ce pays participe à de nombreuses structures internationales (ALBA, CEPAL, CARICOM, etc.).

François Michel Lambert a insisté sur le fait que la France joue un rôle important dans la Caraïbe avec la Martinique, la Guadeloupe, Saint Barthelemy et Saint Martin et il a rappelé que des coopérations décentralisées existent déjà entre certaines collectivités et Cuba.

Il lui paraît évident que la France et Cuba devraient mener une réflexion commune sur le droit de l’environnement avec la question de la montée des eaux, la pollution et les impacts climatiques, par exemple.

A propos de l'auteur