Trump au pilori, le retour de Michael Moore

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Michael Moore est de retour, avec ce qui est probablement son film le plus incisif après Fahrenheit 9/11, ce plaidoyer anti-George W. Bush, réalisé en 2004

6 mars 2019 18:03:07

Affiche du film Fahrenheit 11/9, de Michael Moore.

MICHAEL Moore est de retour, avec ce qui est probablement son film le plus incisif après Fahrenheit 9/11, ce plaidoyer anti-George W. Bush, réalisé en 2004.

Pour cette nouvelle livraison, le titre du premier documentaire devient Fahrenheit 11/9, date de la victoire électorale de Donald Trump, un événement qui en a surpris plus d’un et qui amène le cinéaste à se demander comment cela a-t-il été possible et comment expliquer qu’un politicien menteur, mégalomane et raciste puisse se maintenir au pouvoir, qu’il annonce son intention de se représenter et même – entre blagues et ironies reprises dans le film – laisse entrevoir les possibilités de rester à la Maison-Blanche pendant 16 ans.

À partir de ce cabotinage décomplexé de permanence au pouvoir, Fahrenheit 11/9 développe la thèse selon laquelle les États-Unis pourraient passer du cycle néolibéral impérialiste à un contrôle plus rigoureux et même maniaque. Il établit un parallèle entre l’arrivée au pouvoir de Trump et Adolf Hitler et se permet de mettre les paroles du président étasunien dans la bouche du Führer lors d’un discours devant les fidèles partisans du nazisme.

Référence contemporaine à un contrôle mondial aux visées fascistes auquel pourraient se joindre d’autres élites internationales, c’est ce que suggère Fahrenheit 11/9, tout en plaidant pour empêcher ce scénario à tout prix. Le spectateur quant à lui ne peut penser au clone Bolsonaro, à d’autres du même style qui font leur apparition et à la conspiration internationale qui, en ce moment-même, se met en place contre le Venezuela.

Toutefois, Fahrenheit 11/9 ne tire pas à boulets rouges sur le seul Trump tout au long du film. Il distribue aussi des critiques et des sarcasmes contre les démocrates et leur direction pour ne pas avoir prévu que le magnat arrogant pouvait tirer parti de l’affaiblissement de ses opposants pour arriver à la Maison Blanche. Hillary Clinton, Obama, le Parti démocrate (faisant obstacle à Bernie Sanders lors des élections) et d’autres encore deviennent, selon Moore, directement responsables d’une erreur, dont l’humanité fait les frais aujourd’hui.

Après avoir évoqué ces moments « incroyables » où l’électorat démocrate éclate en sanglots à l’annonce de la victoire de Trump, le film règles leur compte aux situations déplorables du pays et donne la parole aussi bien aux dirigeants qu’à ceux qui critiquent, ces derniers – travailleurs, étudiants, personnes modestes – à travers des témoignages très forts. Deux heures pendant lesquelles le cinéaste surfe sur le terrain stylistique qui l’a distingué au fil des années : révélations chocs, humour dans ses variantes les plus diverses, irrévérence, analyse dans laquelle il défend résolument ses convictions, participation personnelle aux faits et, dans le cas qui nous occupe, un pessimisme prononcé concernant l’avenir de son pays.

Cette vision apocalyptique – rien n’a changé depuis 2001, suggère le film – n’est atténuée que par l’espoir placé dans des jeunes qui pensent, tels ceux qui participèrent à une grève massive d’étudiants ou ceux qui soulevèrent une vague de manifestations dans le pays à la suite des massacres de Parkland. Il y a également des espaces pour de nouveaux visages, non professionnels, qui abordent la politique avec un discours rénovateur et fortement ancré dans le social, lequel n’a rien à voir avec la traditionnelle politicaillerie du système.

Il accorde une attention particulière au scandale survenu dans la ville appauvrie de Flint, Michigan, où le gouverneur a fait construire un nouveau canal qui partageait les eaux en deux : les propres, pour la nouvelle usine de General Motors, les polluées au plomb, destinées à la consommation de la population, ce qui provoqua des maladies et des décès, surtout chez les enfants.

Michael Moore profite de cette affaire pour évoquer la déception causée par le président Obama lors d’une visite sur place : alors que la population pensait qu’il venait soutenir leur lutte, lors de son discours, le président demanda un verre de ce liquide controversé, se mouilla les lèvres et déclara en souriant qu’il n’y avait aucun problème.

Vers la fin du documentaire, Trump apparaît à nouveau dans le discours du cinéaste, qui s’attaque à l’ignorance et à l’indifférence de beaucoup face à ces réalités qui exigent une population active ouvrant les yeux sur les barbaries qui se commettent devant elle : « Trump est notre Frankenstein et nous sommes son Dr Frankenstein », affirme-t-il.

Le film consacre du temps à analyser comment les médias sont tombés dans le piège Trump, dont l’obsession principale est de se faire de la publicité, pour augmenter l’audimètre à tout prix.

Le tournage de Fahrenheit 11/9 a commencé après la victoire de Trump ; il lui a fallu deux ans pour le boucler, et il fut achevé, en toute urgence, pour être projeté avant les élections législatives au Congrès, en novembre dernier, au cours desquelles les républicains ont perdu le contrôle de la Chambre.

Avant de recevoir une ovation lors de sa première au Festival du film de Toronto, Michael Moore a écrit que Trump était « le résultat logique d’une longue spirale descendante qui s’est achevée par la conquête de notre Bureau le plus puissant par l’un de nos citoyens les plus haïs ».

Fahrenheit 11/9 sera bientôt sur nos écrans.

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