Le dossier complet contenant les résultats de l’enquête menée par l’armateur français CGT sur le sabotage du bateau La Coubre, le 4 mars 1960, dans le port de La Havane – attribué à la CIA –, est conservé dans le coffre-fort d’une fondation maritime française, et son délai de communicabilité a été fixé à 150 ans par les services des affaires juridiques des derniers propriétaires du navire.
Ces documents, dont l’existence n’avait jamais été établie jusqu’à présent, dorment toujours sur les étagères des archives de la Compagnie générale transatlantique (CGT), surnommée la French Line, qui était propriétaire du La Coubre au moment des événements de cette journée tragique à La Havane.
En 1973 la CGT – Compagnie générale transatlantique – fusionna avec la Compagnie générale maritime, une entreprise publique qui fut ensuite privatisée et cédée au groupe CMA CGM. La propriété juridique et la gestion du fonds d’archives de la CGT furent confiées en 1995 à une fondation, dont le conseil d’administration est composé de 16 membres, dont deux représentants de CMA CGM.
Cette fondation appelée Association French Line a pour objet la mise en valeur du patrimoine des compagnies maritimes françaises, et dispose d’un service de recherche historique des différents fonds des compagnies de navigation au centre de consultation des archives, avenue Lucien Corbeaux au Havre.
Sur les plus de 30 000 pièces d’archives de la fondation, 79 font allusion à certains moments de l’existence du vapeur La Coubre. Sur l’un de ces documents, inscrit sous le numéro 22091, on peut lire : « La Coubre. Explosion à La Havane, réparations, photographies, articles de presse, liste des disparus, rapport du Comité de direction, conditions d’assurance, correspondance ».
Ce dossier, dont la teneur semble de la plus haute importance pour connaître des détails inédits sur l’acte terroriste perpétré à La Havane, avait été établi par les Services juridiques de feu la CGT et est soumis à l’étonnant délai de communicabilité de 150 ans !
Toujours est-il que l’existence de ce fonds d’information sur le crime de La Coubre constitue un nouvel élément du mystère qui enveloppe l’acte terroriste le plus meurtrier du XXe siècle sur le continent.
Survenu il y a exactement 54 ans, le 4 mars 1960, l’attentat terroriste contre le cargo La Coubre provoqua plus d’une centaine de morts, dont six Français membres de l’équipage du navire, plus de 200 blessés et de nombreux disparus. Le coût des dommages fut estimé à environ 17 millions de dollars.
Cuba a dénoncé à maintes reprises la responsabilité de la CIA dans la destruction du cargo français dans le port de La Havane.
Quelques heures après l’explosion, au cours d’un meeting historique sur la Place de la Révolution, le leader cubain Fidel Castro exprimait sa conviction que la main de la CIA avait pesé de tout son poids dans cet attentat.
Lancé le 16 avril 1948 par le chantier Canadian Vickers Ltd de Montréal, le cargo La Coubre commença à partir du 11 octobre 1951 à faire la navette entre la France, les Antilles françaises, l’Amérique centrale et les Etats-Unis.
Remis à flot, La Coubre quitta La Havane le 22 août 1960, remorqué par le néerlandais Oostzee pour Rouen où les Chantiers de Normandie entreprirent la reconstruction de la partie détruite. Il fut remis en service le 1° avril 1961. Le cargo La Coubre fut racheté et rebaptisé à plusieurs reprises. Au fil des ans, Il fut appelé Barbara, Notios Hellas, puis Agia Marina. Il fut vendu à une entreprise espagnole, et arriva en décembre 1979 aux chantiers de Gandia (Valence) pour démolition.
Plus d’un demi-siècle plus tard, le gouvernement des Etats-Unis persiste à garder au secret des documents de ses archives liés à l’attentat de La Coubre.
« Il est impossible d’avoir ignoré les circonstances dans lesquelles furent impliqués plusieurs citoyens des Etats-Unis », devait signaler le Dr José Luis Mendez, reconnu comme le spécialiste du terrorisme contre Cuba, qui dans ses recherches a trouvé de nombreux éléments suspects qui pointent la responsabilité des Etats-Unis dans cette affaire.
« Une enquête a certainement été ordonnée d’office aux Etats Unis sur ce crime », a-t-il signalé.
Les 22 survivants français du cargo La Coubre furent rapatriés par bateau.
Six marins français périrent dans ce criminel attentat : le premier lieutenant François Artola, le timonier Jean Buron et les marins Lucien Aloi, André Picard, Jean Gendron et Alain Moura.
Jean-Guy Allard
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