Il y a 100 ans : l’Amendement Platt et la perfidie d’Estrada Palma

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LE dénommé Amendement Platt signé par le président William McKinley, le 29 de mars 1903, fut l’expression législative des éternelles velléités d’intervention des États-Unis à Cuba. Tomas Estrada Palma, le premier président de la pseudo-république, parapha, au nom de l’Île, le Traité sur les relations permanentes qui, imposé par les États-Unis, marqua l’entrée en vigueur de cette loi le 22 mai 1903.

Enmienda_PlattLE dénommé Amendement Platt signé par le président William McKinley, le 29 de mars 1903, fut l’expression législative des éternelles velléités d’intervention des États-Unis à Cuba. Tomas Estrada Palma, le premier président de la pseudo-république, parapha, au nom de l’Île, le Traité sur les relations permanentes qui, imposé par les États-Unis, marqua l’entrée en vigueur de cette loi le 22 mai 1903.

Estrada Palma, délégué aux États-Unis du Parti révolutionnaire cubain fondé par José Marti, avait déjà demandé l’intervention au début de notre première Guerre d’indépendance, en 1869, et en 1878. Vers 1884, Estrada Palma avait fait preuve une nouvelle fois de ses convictions annexionnistes lors des préparatifs du plan Gomez-Maceo de San Pedro Tula, qui équivalait à relancer la guerre.

Essentiellement, le gouvernement cubain devait accepter que les USA puissent intervenir à Cuba toutes les fois qu’ils le jugeraient nécessaire, y compris la cession de territoires pour l’établissement de bases navales.

Le sénateur Morgan s’était opposé à la proposition de son homologue Orville H. Platt aux sessions du Congrès du 25 et 26 février 1901, aux côtés de dix autres législateurs. Il avait qualifié l’Amendement Platt d’ « ultimatum outrageant » envers des hommes convaincus de leur droit à gouverner la patrie pour laquelle ils avaient combattu. Mais l’Amendement fut adopté par 43 voix, contre 20.

À La Havane, on imposa comme condition l’obligation de l’accepter, et la « Convention constituante de Cuba, convaincue que toute résistance était inutile » (1) et l’Amendement fut adopté à une très faible majorité.

En 1896, le général Antonio Maceo paracheva l’invasion de l’île, depuis l’Oriente jusqu’à Pinar del Rio, avant de marcher sur La Havane. Il se trouvait déjà à Santiago de las Vegas, aux portes de Punta Brava et de la capitale, étudiant le plan d’attaque de Marianao, qui avait été préparé pour ce même soir du 7 décembre, mais une attaque espagnole contre son campement le poussa à engager le combat à la tête de ses troupes. Le grand chef militaire fut tué dans l’action, atteint au visage et à la poitrine par les balles ennemies.

Surnommé « le Titan de bronze » pour sa force et sa couleur de peau, le général Antonio avait fait part de sa position à Estrada Palma le 14 avril 1896 : « La seule chose dont il avait besoin de ce pays (les États-Unis), c’était d’une aide pour nous procurer des armes… Le secret de victoire infinie, qui, elle et elle seule, fera le bonheur du pays, si nous l’obtenons sans cette intervention… » (2)

La situation était en rapport avec la lettre adressée par Maceo à Maximo Gomez, vers le milieu de cette année 1896, une fois terminée l’invasion, quelques mois avant sa mort qui, après celle de José Marti, fut la deuxième plus grande tragédie de la Révolution : « À ce jour je n’ai reçu aucun matériel, absolument aucun. J’entreprends l’évasion avec ce que j’ai pris à l’ennemi. Ceux apportés par Zayas, il m’a dit les avoir utilisés, et ceux de Collazo, j’ai donné l’ordre de les distribuer entre La Havane et Matanzas » (3).

On aura une vision plus complète de la situation grâce à une autre lettre du général Mayia Rodriguez l’informant qu’il se trouvait toujours à Camagüey, car le croyant déjà à La Havane accompagné du 2e contingent de l’invasion. Selon Jesé Luciano Franco dans le troisième tome de sa Biographie de Maceo, il avait été stoppé dans sa progression par un courrier du gouvernement cubain en armes l’enjoignant d’« ordonner la retraite pour des raisons de haute politique ».

En 1959, Camilo Cienfuegos et Ernesto Che Guevara rééditèrent cette invasion, cette fois sous les ordres de Fidel, dans un but stratégique, et vécurent cette épopée jusqu’à Santa Clara. Point ne fut besoin de pousser jusqu’à Pinar del Rio. Ils reçurent l’ordre audacieux de mettre directement le cap sur La Havane afin de compléter l’exploit du général Antonio Maceo.

La presse des États-Unis, et notamment le jeune New York Journal de William Randolph Hearst, ainsi que le New York World de Joseph Pulitzer, prirent la tête d’une campagne avec un tirage d’un million d’exemplaires chacun, considérée comme leur baptême du feu dans la guerre contre l’Espagne. Ils alléguaient comme cause de cette campagne la brutalité de la répression coloniale dans l’Île. « Donnez-moi les dessins, je vous donnerai la guerre », s’exclama Hearst en guise de réponse à un télégramme provocateur que lui adressa son envoyé spécial à La Havane, qui demandait l’autorisation rentrer au pays en raison du calme qui régnait à Cuba.

En réalité lutte du peuple cubain pour son indépendance dura plus de deux siècles. D’abord contre l’Espagne, qui fut incapable d’écouter Pi y Margal, pour qui la seule manière d’en finir avec cette guerre était d’accepter l’indépendance de Cuba, et ensuite contre les États-Unis.

En 1890, le troisième président des États-Unis, Thomas Jefferson, avertissait le ministre britannique à Washington qu’en cas d’une guerre contre l’Espagne son pays s’approprierait Cuba « par nécessité stratégique ». « Nous ajouterons Cuba à notre fédération », indiquait-il.

Et en 1823, John Quincy Adams, secrétaire d’État du président Monroe, écrivait : « Il est pratiquement impossible de résister à la conviction selon laquelle l’annexion de Cuba à notre République fédérale sera indispensable à la continuation et à l’intégrité de notre l’Union elle-même ».

Ainsi fut conçue la stratégie consistant à attendre le moment propice à la chute du « fruit mûr » que le président McKinley lança en 1898 pour empêcher la victoire imminente des troupes cubaines face à une armée espagnole exténuée. Cette événement était si imminent, après une guerre de deux étapes pendant 30 ans, que le gouvernement de McKinley adressa un ultimatum à l’Espagne lui fixant un délai pour accorder l’autonomie à Cuba. L’idée était d’acheter l’Île, comme le souhaitait Monroe.

L’AUTONOMIE : LA SOLUTION DÉSESPÉRÉE DE L’ESPAGNE

La couronne espagnole nomma le général Blanco en remplacement de Valeriano Weyler au poste de gouverneur et annonça aux États-Unis sa décision d’accorder l’autonomie à Cuba, sous son protectorat. La reine signa le décret le 24 novembre 1897, dans l’espoir d’éviter un mal plus grand tel que l’indépendance des Cubains. Le décret devait entrer en vigueur le 1er janvier 1898, mais les deux parties savaient que ni l’une ni l’autre n’accorderait l’autonomie, et encore moins l’indépendance, comme l’exigeaient les Cubains.

Les successeurs des pères fondateurs des États-Unis furent conséquents avec les idées annexionnistes, mais ne s’imposèrent pas totalement. L’annexionnisme prôné par McKinley et son parti républicain fut rejeté par l’opposition démocrate et les partisans de l’indépendance, pour qui « le peuple cubain est et doit être de droit libre et indépendant », une phrase qui s’inscrivait dans l’esprit de la précieuse Résolution conjointe du Congrès mais remettait en cause la lettre de l’ « Amendement Platt », qui ne fut non pas l’œuvre de Platt mais de McKinley et de son Secrétaire à la défense, répondait à la volonté d’intervention et d’occupation des États-Unis et servit à justifier la guerre contre l’Espagne à laquelle Jefferson faisait allusion.

Le sabotage du cuirassé Maine et la scandaleuse interprétation qu’en fit la presse des États-Unis facilitèrent l’intervention des États-Unis. Le gouvernement du libéral Sagasta, tout comme celui du conservateur Canovas, refusèrent de reconnaître que l’Espagne avait perdu sa guerre interrompue de presque 30 ans contre les « mambises », comme on appelait les indépendantistes cubains.

L’Espagne pensait que temporiser avec son puissant ennemi était le choix le plus favorable à ses intérêts. Au lieu d’écouter les voix qui dans la métropole même appelaient le gouvernement à admettre que la guerre était perdue et à reconnaître l’indépendance pour laquelle les Cubains avaient lutté, il opta pour faciliter les plans du gouvernement des États-Unis en abdiquant et en affichant son mépris pour Cuba.

Avec le Traité de Paris, les États-Unis non seulement s’approprièrent les îles de Cuba et de Porto Rico, mais ils étendirent leur présence dans le Pacifique en occupant les Philippines et Guam. L’annexion de Hawaï, où cinq ans plus tôt les marines avaient déposé la reine Liliuokalani, fut un sous-produit de cette intervention.

En réalité, Cuba n’obtint pas l’indépendance pour laquelle près de 300 000, dont 10 635 soldats et officiers « mambises » avaient lutté. Il fallut attendre le 1er janvier 1959. Mais plus d’un siècle plus tard, elle subit encore les effets des prétentions de son puissant voisin du Nord.

(1) Ramiro Guerra. « L’expansion territoriale     des États-Unis ». Éditions Ciencias Sociales 2008.

(2) Herminio Portell Vila. « Histoire de Cuba ».

Tome I Jesus Montero La Havane, page.226

Cuba : « Les masques et les ombres », page 21

 

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Tomas Estrada Palma signant le protocole des stations de chargement de charbon, entouré par (2) le Dr Aurelio Hevia, directeur d’État ; (3) le Dr Jorge A. Belt, Secrétaire à la présidence ; (4) Mr Skeper, Secrétaire de légation.

http://fr.granma.cu/cuba/2016-03-10/il-y-a-100-ans-lamendement-platt-et-la-perfidie-destrada-palma

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