Fidel l’incontournable

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FidelORIGINAL

 

 

Il vient de célébrer ses 90 ans. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, tous doivent admettre que sa participation à l’Histoire a été immense. Sans la Révolution cubaine, dont il a été le principal artisan, qui a commencé vers le milieu des années 1950, jusqu’au triomphe avec l’entrée des Barbudos dans la capitale du pays, La Havane, en janvier 1959, la carte de l’Amérique latine et du monde n’aurait pas été la même.

Nelson Mandela en était convaincu, lui qui a vu son pays être libéré «grâce à la sanglante résistance de l’armée cubaine aux forces sud-africaines». Pour un ­petit pays comme Cuba, considéré, à l’époque, comme le bordel des États-Unis, avec à peine six millions d’habitants, c’était une tâche colossale. Changer le rapport de forces entre un pays du tiers monde, sans grandes ressources, un pays de monoculture, et la plus grande puissance du monde a exigé énormément d’efforts, de souffrances, de sacrifices, de générosité et d’inventivité. Nous avons tous bénéficié de la victoire de David contre Goliath, qu’on le veuille ou non. Il y a eu un avant et un après. L’exemple qu’un ­meilleur monde était possible se réalisait à 90 milles des côtes américaines.

Le jeune photoreporter américain Lee Lockwood est arrivé à Cuba le 31 décembre 1958, au moment même où le dictateur Batista fuyait en République dominicaine pour échapper aux forces révolutionnaires qui étaient sur le point d’entrer à La Havane. Il était venu pour interviewer Fidel, qui avait défrayé la chronique à quelques reprises depuis 1954. Il régnait à La Havane et à travers tout le pays «une atmosphère du même genre que celle de la Libération», pour paraphraser le général de Gaulle. «Dans toutes les grandes villes, raconte Lockwood, il fit un discours qui commençait parfois après minuit et durait quatre, cinq ou six heures. Des centaines de milliers de personnes restaient pour l’écouter jusqu’à la fin en l’acclamant avec ferveur.» Son arrivée triomphale à La Havane sera un moment d’apothéose.

Le journaliste retournera à Cuba à plusieurs reprises pour capter ces moments de grâce, mais aussi ces déchirements et controverses que suscitait un changement aussi radical. «Entre-temps, les États-Unis ont fait tout ce qu’ils pouvaient – à part lancer une invasion armée à grande échelle – pour faire chuter le régime castriste dès l’instant où il a pris le pouvoir.»

En 1965, il pourra suivre et interviewer le leader cubain pendant une semaine. Ce sont ces entretiens que nous pouvons lire dans cet ouvrage qui ne prétend pas être une étude sociologique de la révolution cubaine. À travers le texte, mais surtout à travers les centaines de photos de tous formats, en noir et blanc et en couleurs, nous pouvons suivre les premières années de cette révolution qui changea la face du monde.

En postface, Saul Landau, professeur californien, journaliste et ­réalisateur, salue le courage et l’inventivité des Cubains lorsque l’Union soviétique a disparu et a cessé d’être le protecteur de Cuba. «D’une situation de sécurité garantie, Cuba est alors passée à une condition d’urgence et de ­survie permanente. […] C’est à ce moment que le Con­grès des États-Unis a adopté la loi Torricelli, qui durcissait encore l’embargo, de sorte que la main de Washington s’est resserrée un peu plus fort sur le cou décharné de Cuba.»

Ce livre grand format, luxueux même, est un merveilleux compagnon pour qui s’intéresse à ce que peut faire un petit peuple décidé et courageux, qui n’a pas demandé à affronter la plus grande puissance, mais simplement à être libre, à décider de son propre destin et à créer une société plus juste, où la richesse n’est pas entre les mains d’une ­mino­rité.

«Lee, dit Saul Landau, a signé le meilleur livre jamais écrit à ce jour sur l’essence de cet homme et de sa révolution. Lee a pris, à l’appui de sa réflexion, des photos ­magnifiques. Du passé, Lee a fait un ressort passionnant de notre présent.» J’ajouterais, parmi les meilleurs livres sur Fidel, celui d’Ignacio Ramonet, Fidel Castro, biographie à deux voix (Fayard).

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