Pour ceux qui pensent qu’il n’y a pas d’élections à Cuba…

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À l’heure actuelle, de nombreux médias internationaux s’interrogent sur l’avenir de Cuba face au processus électoral 2017-2018. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui, à Cuba et à l’étranger, ont des doutes ou se posent des questions sur le système électoral cubain.

La participation et la représentation sont des piliers qui soutiennent le droit de vote, car il s’agit d’un exercice conscient visant à désigner comme candidats et élire les personnes considérées comme dotées des plus grands mérites et des plus hautes valeurs.

Le site internet Razones de Cuba s’est intéressé à ce sujet et offre à ses lecteurs une interview du Dr José Luis Toledo Santander, président de la Commission des Affaires constitutionnelles et juridiques de l’Assemblée du Pouvoir populaire et professeur titulaire de l’Université de La Havane. Dans ce premier entretien, d’intérêt plus historique, sont abordées les bases de la conformation institutionnelle de l’État cubain.

Quels sont les éléments qui caractérisent le système d’organisation institutionnelle de l’État cubain ?

Le premier élément qui le caractérise est qu’il s’agit d’un système d’organisation institutionnelle très récent : il n’existe que depuis 41 ans. Si on le compare avec un autre système, où que ce soit dans le monde, il est très nouveau. Il est entré en vigueur en 1976. En plus d’être un système très jeune, il n’a pas de référence dans le monde. Notre système est sui generis. C’est la nation et le peuple cubains qui l’ont adopté dans un exercice propre de souveraineté. Cela implique que nous apprenons de nos réussites et de nos erreurs.

L’autre élément qui nous distingue, c’est le principe de l’unité. L’unité, vue non comme un slogan ou comme un élément mobilisateur, mais l’unité comme un élément substantiel et essentiel à la préservation de l’indépendance et de la souveraineté.

Un autre principe, c’est la conformation sur la base d’organes collégiaux dans la direction du pouvoir. Nous n’avons pas d’organes unipersonnels, tous sont des organes collégiaux, et les éléments essentiels et fondamentaux de décisions dans l’organisation de l’État se basent sur les décisions du Conseil d’État, les décisions de l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire ou du Conseil des ministres, qui sont des organes collégiaux de pouvoir.

Un autre élément la distingue, c’est l’existence d’un parti unique, qui a certaines particularités : il s’agit d’un parti qui n’est pas un parti électoral, qui ne présente pas de candidats aux élections et qui est l’organe recteur de l’État et de la société.

Quelles sont les bases de conformation du système d’organisation institutionnelle à Cuba ?

C’est l’Histoire de la nation. Le principe de l’unité va configurer tout le processus : l’unité, pour les Cubains, est un élément stratégique de survie. Chaque fois que les Cubains ont été divisés, la nation a perdu ses plus nobles intérêts.

Ensuite, notre Parti sera l’expression de cette unité qui constituera le ciment, la base qui va consacrer l’unité des Cubains dans la lutte. Aussi peut-on dire avec raison que c’est le Parti de tous les Cubains, y compris de ceux qui ne sont pas militants. C’est le parti dont les antécédents se trouvent dans celui fondé par José Marti dans la lutte pour l’unité.

La Constitution de 1976 fut soumise à la consultation populaire. Plus de 70 000 opinions furent recueillies, ce qui donna lieu à la modification de plus de 60 articles de l’avant-projet. Photo: Emilio Argüelles 

C’est de ces éléments dont se sont inspirés les Cubains. C’est pourquoi en 1959, au triomphe de la Révolution, conformément au programme de la Moncada [plaidoyer de Fidel lors de son procès en 1953], le gouvernement de l’époque s’empressa de sauvegarder la Constitution de 1940, qui avait été bafouée par Batista lors du coup d’État du 10 mars 1952.

Il fallut apporter une série d’amendements à cette Constitution de 1940, car il n’y avait pas d’organe législatif chargé de promouvoir les lois pour qu’elles soient mises en œuvre. C’est alors qu’il fut décidé que le Conseil des ministres, en réunion élargie, assurerait la fonction exécutive et administrative, ainsi que la fonction législative. Une nouvelle réglementation fut alors créée qui, s’appuyant sur les postulats de la Constitution de 1940, prit le nom de Loi fondamentale, qui entra en vigueur de février 1959 à février 1976.

Pourquoi autant d’années se sont-elles écoulées avant l’adoption d’une nouvelle Constitution?

C’est l’époque où la Révolution dut se consacrer à consolider le pouvoir et, je cite rapidement : la tentative d’invasion mercenaire par Playa Giron, l’Opération Mangouste qui suivit, la lutte contre les bandits dans les régions montagneuses, etc. Une époque où il lui fallut se défendre contre les ennemis et renforcer le pouvoir révolutionnaire. Tout cela explique un peu cette période de « provisionnalité » de l’État cubain.

Dans les années 70 du siècle dernier, la Révolution était désormais consolidée. C’est alors que débuta une période appelée « période d’institutionnalisation de l’État cubain ». Il fut alors décidé de la création d’une commission mixte du Parti et du gouvernement, conseillée par un groupe de juristes, qui eurent pour tâche d’élaborer une Constitution pour la République.

Ce projet de Constitution fut soumis à une vaste consultation populaire, à laquelle tout le peuple cubain participa. C’est pourquoi, à la différence d’autres pays qui mettent en place une assemblée constituante pour élaborer une constitution, dans notre cas tout le peuple cubain devint assemblée constituante. Tout le peuple eut l’occasion de disposer de l’avant-projet de Constitution, de l’étudier et de donner son avis sur celui-ci.

Ce sont des éléments qui non seulement devaient renforcer le caractère démocratique de la Constitution de 1976, toujours en vigueur à l’heure actuelle, mais en firent, au niveau démocratique, une Constitution plus avancée que celle de 1940.

Selon vous, quels sont les éléments qui distinguent la Constitution de 1976 de celle de 1940 ?

Je reconnais que d’un point de vue normatif, la Constitution de 1940 est une grande constitution, et qu’à l’époque, précisément à cause des luttes révolutionnaires, elle traduisait les inquiétudes et les aspirations du peuple.

Mais du point de vue de la démocratie, de l’élaboration du texte constitutionnel, celle de 1976 est plus démocratique que celle de 1940, car dans celle de 1940, se trouvaient les représentants de la constituante, qui de plus avaient été désignés par les partis politiques de l’époque.

Par conséquent, ces députés constituants répondaient à certains intérêts de classe politique, et cette Assemblée constituante, qui tint séance précisément dans la chambre des représentants du Capitole, fut la seule à avoir accès à l’avant-projet, à le discuter, à donner son avis et à l’approuver.

À aucun moment le peuple ne fut consulté, même si toutes les discussions étaient transmises à la radio. Le peuple n’a pas eu de pouvoir de décision dans la Constitution de 1940, alors que celle de 1976 fut soumise à la consultation populaire : plus de 70 000 opinions de toute la population furent recueillies, ce qui donna lieu à la modification de plus de 60 articles de l’avant-projet.

Ensuite, cette nouvelle version de projet de Constitution fut soumise à un référendum populaire. C’est-à-dire que tous les Cubains ayant la capacité d’exercer leur vote se rendirent aux urnes et, à travers le vote libre, direct et secret, décidèrent de leur position face à la Constitution. 98% des électeurs participèrent au scrutin, dont 97,7% se prononcèrent en faveur de la Constitution.

Le 24 février 1976, le camarade Raul proclama l’entrée en vigueur de la Constitution de la République. (Tiré de Razones de Cuba)

A propos de l'auteur

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