Pour ceux qui pensent que les « choses » pourraient s’arranger rapidement et d’un coup de baguette magique à CUBA, merci de lire l’excellent article de Jean ORTIZ (L’Humanité).
L’Amérique latine est désormais confrontée à une contre-offensive globale de (des) impérialismes, relayée par les conservateurs et les oligarchies de chaque pays. Nul ne doit désormais plus déroger au « modèle néolibéral », et les principaux rebelles (Venezuela, Bolivie, Equateur, Cuba …) sommés de rentrer dans le rang.
Washington cherche à mettre en place une sorte de « stratégie (modulée) de la tension ». Il s’agit d’abord de déstabiliser et de faire tomber l’objectif prioritaire, le Venezuela, cœur de cible. Les Etats-Unis pariaient sur un effondrement après la mort de Chavez et l’élection du président Maduro. C’est raté, alors ils « mettent le paquet » : guerre géopolitique, économique, financière, soutien à la Colombie dans le conflit inter-frontalier avec Caracas, attisé par Bogota… La frontière, longue de 2 219 km, est quasiment la chasse gardée des groupes paramilitaires colombiens et de leurs réseaux, de la contrebande et de tous les trafics de drogue, d’armes, d’aliments et d’essence volés au Venezuela. Le 29 juillet, trois militaires vénézuéliens y ont été blessés… Caracas a donc décrété la fermeture frontalière et « l’Etat d’exception » dans cinq cantons de l’Etat très violent et d’ultra-droite du Tachira. Les médias internationaux crient depuis haro sur Caracas. Ils ne disent pas qu’au Venezuela résident plus de cinq millions de réfugiés colombiens, à qui la révolution a même donné un statut légal. Les récents accès de violence ont amené les autorités vénézuéliennes à en déporter 1 097 (sur 5 millions !) vers leur pays d’origine.
Les Vénézuéliens, malgré une certaine confusion idéologique, entretenue à dessein, n’ont pas la mémoire courte. L’image de « chaos humanitaire » que voudrait donner de la situation l’opposition, divisée, sans véritable vision politique, trouve de très nombreux relais à l’étranger. Cette même opposition espère une possible défaite du chavisme aux élections législatives de décembre. La crise, la violence, la corruption, la chute des cours du pétrole, les agressions multiples, les pénuries provoquées, que doit affronter la révolution, fatiguent une partie des bases populaires.
Simultanément, « l’empire » s’attaque à des pays dont les récentes réélections de président(e)s progressistes ont affaibli l’hégémonie de Washington (Bolivie, Brésil, Uruguay…) ; ou à des pays où l’on prépare de futures échéances électorales cruciales (Argentine…)
Les Etats-Unis cherchent en fait à reprendre la main ; à desserrer l’étau et sortir d’un isolement continental accru au fil des ans depuis l’élection de Chavez en 1998. Ils voudraient saper la consolidation de structures continentales d’intégration respectueuse des souverainetés nationales : Mercosur, Alba, Celac… Le relatif affaiblissement de mouvements populaires à l’offensive depuis plus de 15 ans, et à la recherche aujourd’hui d’un second souffle, de réponses nouvelles (pas évidentes) pour une relance des processus révolutionnaires, freine ces mêmes processus.
Le Venezuela, le Brésil, l’Equateur, la Bolivie, l’Argentine, se trouvent par conséquent dans l’œil du cyclone, même si les problématiques et les politiques sont différentes dans chacun des pays. Après quinze ans de vagues émancipatrices se manifeste là une certaine usure, ailleurs une stagnation, ou des hésitations devant les indispensables réformes de structure, mais toujours dans le cadre d’avancées et d’un rapport de forces favorable aux mouvements d’émancipation. Ces derniers ont résisté à l’instauration de la charia néolibérale, dans un cadre démocratique, essentiellement par une plus grande et juste redistribution. Mais l’objectif « socialiste » proclamé reste encore lointain… Dans chaque pays fait rage une lutte des classes extrêmement dure. Les révolutionnaires sont au gouvernement, mais des leviers importants du pouvoir leur échappe: économie, banques, Etat, médias…
Au Brésil, Dilma Rousseff, affaiblie, n’a pas tenu compte de l’avertissement (score serré) de sa réélection et a mis le cap (pour faire court) à droite. Elle vient à nouveau de céder au déchaînement d’une opposition revancharde réclamant son « impeachment », sa démission… Très divisé et notabilisé, le Parti des Travailleurs doit se réformer, retrouver sa gauche, comme le Parti Socialiste Uni du Venezuela. La corruption, généralisée, sert ici et là de prétexte à tous les mauvais coups.
L’Equateur et sa « révolution citoyenne » n’échappent pas aux tentatives putschistes et de « soulèvement » instrumentalisées par le Département d’Etat, la CIA et les droites diverses.
Le prétendu « soulèvement populaire » ripostait aux lois du gouvernement Correa sur l’imposition des gros héritages et les profits spéculatifs réalisés lors de la vente de terrains et biens immobiliers. Cela concerne seulement les 2% les plus riches de la population qui ont réagi avec une rare violence, entraînant une partie du peuple et du mouvement indigéniste, celui qui campe sur des positions ethnicistes. La Confédération des nations indigènes d’Equateur (CONAIE), manipulée, dérive vers des positions contraires à son histoire, alors même que la « révolution citoyenne » du président Correa a pris à bras le corps la question indienne . Le parti du président, « Alianza Pais », a encore peu de poids et d’existence réelle.
Le « bon » président Obama, plus malin que Bush (ce qui n’est pas difficile !), a été contraint de lâcher intelligemment du lest sur Cuba, de rétablir les relations diplomatiques avec l’île emblématique, après 50 ans de « cordon sanitaire », de sales coups de toute nature ; mais l’objectif, assumé, reste le même : liquider le castrisme, par « l’invasion » des touristes gringos, du dollar, des marchés, de la société de consommation… Malgré le « réchauffement », le blocus demeure toujours en place et Guantanamo reste une base militaire américaine… Mais dans les opinions publiques domine l’impression que le conflit est réglé… Barak Obama s’en tire plutôt bien.
A la politique de la canonnière d’hier, les Etats-Unis préfèrent désormais, dans un contexte encore favorable aux progressistes, la « soft-ingérence », des coups d’Etats « médiatiques », « institutionnels » (5 depuis 2000)… Les médias fonctionnent comme de vrais partis politiques d’opposition aux régimes en révolution. La stratégie étatsunienne s’est infléchie, mais les objectifs demeurent : l’Amérique aux Américains… du nord ! Pas sûr que les peuples veuillent retourner à la doctrine Monroe !
http://www.humanite.fr/…/amerique-latine-les-etats-unis-ten…
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