La fille du Che, le médecin Aleida Guevara, sera à ManiFiesta pour la troisième fois. C’est que la fille ainée du révolutionnaire a encore tellement de choses à dire sur l’impérialisme en Amérique latine, l’héritage de son père, Cuba…
Marxiste, médecin généraliste… Aleida n’a pas hérité que du nom de son père. Médecin à l’hôpital pédiatrique Wiliam Soler à la Havane, directrice du Centre d’études Che Guevara, auteur de plusieurs documentaires… Réduire Aleida Guevara à son nom de famille serait néanmoins une erreur.
Cette mère de deux enfants est avant tout une internationaliste convaincue : « À Cuba, les médecins sont formés avec l’objectif de servir le peuple. »* Cela fait plus de 25 ans qu’elle travaille aux côtés du Mouvement des Sans Terre (MST) au Brésil. « En tant que médecin, je sais qu’une alimentation suffisante est nécessaire, particulièrement pour les enfants. La réforme agraire est indispensable pour que notre peuple puisse nourrir sa population, pour que le rêve de posséder ce que nous produisons devienne réalité et que le vol et le pillage de nos ressources naturelles prenne fin. »
Cet internationalisme qui touche les médecins formés à Cuba n’est pas un slogan mais est très concret : « Vous êtes-vous demandé pourquoi l’Organisation mondiale de la santé s’est adressée à mon pays pour demander de l’aide dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola ? C’est parce que mon peuple a reçu une éducation fondée sur les valeurs éthiques, la solidarité, la dignité et l’amour. Ces médecins cubains sont allés sur place au risque de leur vie parce que nous sommes conscients que peu importe le sacrifice d’un homme ou d’un peuple si l’enjeu est le sort de l’humanité. »
« Une société centrée sur l’humain »
Sur l’engagement politique à gauche : « Ce qui est important, c’est ce que ressent le peuple. Est-il satisfait de ce qu’il a ? Se sent-il en sécurité ? Comment voit-il son avenir ? Je vis dans une autre société, qui n’est pas parfaite, mais qui est centrée sur l’être humain et nous permet de grandir en tant que tels en apprenant de nos erreurs et en les corrigeant. (…) Peut-être serait-il bon d’analyser le rôle de la prise de conscience populaire de ceux qui se considèrent de gauche. Je m’identifie bien avec le Parti du Travail de Belgique, il est en croissance parce que les gens peuvent palper le changement. »
Pour elle, le socialisme, « c’est le respect pour le peuple ». Et il y a urgence à le mettre en place : « Depuis la disparition du système socialiste européen et surtout depuis la disparition de l’Union soviétique, le capitalisme est devenu un système encore plus impitoyable et brutal car il n’a plus de concurrence. Il n’a donc plus besoin de maintenir un système de santé publique, encore moins une éducation gratuite et de qualité ; on privatise à pas de géant les gains sociaux conquis durant des décennies de lutte des travailleurs… »
Impérialisme yankee
Retour à Cuba. L’île a subit très durement le blocus économique imposé par les États-Unis. Et ce n’est pas parce qu’Obama a un peu assoupli ce blocus à la fin de son dernier mandat et que les relations diplomatiques entre les deux pays ont repris que la menace US a disparu… « Les États-Unis rêvent toujours d’annexer la plus grande des Antilles, ils ne comprennent pas que pour nous il est préférable de “sombrer dans la mer avant de trahir la gloire que nous avons vécue”. Si vous lisez des documents émis par l’amiral américain au moment où Cuba était encore une colonie espagnole, vous verrez qu’ils utilisaient déjà les mêmes méthodes qu’aujourd’hui : le blocus économique et naval pour soumettre la population par la faim et la maladie en la décimant pour pouvoir annexer l’île… car ils savaient déjà que nous sommes un peuple rebelle et indomptable. »
Les attaques du puissant voisin prennent actuellement d’autres formes : « Ils continuent d’utiliser l’argent comme moyen de persuasion – bien sûr, seuls ceux qui n’ont pas d’éthique se laissent acheter. Nous devons être conscients de la force de l’ennemi. Comme l’a dit le Che : “On ne peut pas faire confiance à l’impérialisme yankee en quoi que ce soit, même pas un tout petit peu.” »
Pacifisme oui, ingérences non
Aleida Guevara est radicalement contre toute ingérence occidentale dans les pays du Tiers-Monde : « Tout d’abord, nous pourrions demander à n’importe quel Européen ce qu’il ressentait si une armée d’un pays du Tiers-Monde intervenait dans ses affaires intérieures, si les bombes commençaient à pleuvoir sur des bâtiments résidentiels ou des hôpitaux ? Que penserait-il des personnes qui voient tous les jours ces images terribles à la télévision et ne sont pas en mesure d’exiger de leurs gouvernements de cesser de soutenir financièrement les responsables de cette horreur ? Les peuples sont les seuls capables de résoudre leurs conflits internes, personne n’a le droit d’intervenir. Notre Benito Juárez (président mexicain de la fin du 19e Siècle, NdlR) a déclaré : “Le respect des droits d’autrui est la paix.” La manipulation de nos vies, la désinformation crée la confusion. Le respect est essentiel ; nous pouvons et devons vivre en paix. »
* Toutes les citations d’Aleida Guevara viennent d’une interview d’Andrea Duffour pour l’Association Suisse-Cuba, titrée « À Cuba, le peuple est le seul maitre que nous servons ». Retrouvez l’interview complète sur www.cubanismo.net.
Aleida Guevara à ManiFiesta
La file du Che participera à la conférence « Les États-Unis et l’Amérique latine » avec le Chilien Pablo Sepulveda Allende, samedi à 11h, à l’auditoire du centre Staf Versluys. Plus d’infos sur www.manifiesta.be/fr
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