5.1. Opposition aux États-Unis mêmes

Différents secteurs de la société étasunienne ne cessent depuis des années de condamner cette politique de blocus absurde, mais ce refus s’est accru considérablement depuis l’annonce du 17 décembre 2014 concernant la reprise des relations diplomatiques et le démarrage de conversations entre les deux gouvernements.

Les sondages réalisés par des institutions étasuniennes, dont Bendixen & Amandi, Public Policy Polling, l’Université internationale de la Floride, Hearst Corporation, le Pew Research Center, l’Associated Press-GfK, révèlent parmi les électeurs étasuniens des deux partis un état d’opinion favorable à la levée du blocus parce qu’inefficace, à celle de l’interdiction de voyager à Cuba, à la libération du commerce avec Cuba, et au rétablissement des relations diplomatiques, tandis que, parmi les Cubains nés aux États-Unis la majorité est favorable à la levée des obstacles commerciaux en place.

Plusieurs secteurs de la société étasunienne sont favorables depuis des années à la levée du blocus et se solidarisent avec le peuple cubain et sa Révolution. On trouvera ci-après des exemples de cette opposition au blocus aux États-Unis mêmes :

  • Le 26 septembre 2014, une demande de levée du blocus est apparue sur le blog de la Maison-Blanche, taxant cette politique de « ratage » et affirmant qu’elle fait essentiellement tort au peuple cubain. La page signale aussi que, tout en reconnaissant son inefficacité, le président Obama avait prorogé cette politique pour une année de plus.
  • Le 12 octobre 2014, The New York Times a publié un éditorial intitulé : « Time to End the Embargo on Cuba ? », dans lequel il demandait la levée immédiate de le blocus et le rétablissement des relations diplomatiques, signalant le bénéfice que cela représenterait pour les deux pays, demandant l’accroissement des échanges culturels, les États-Unis ayant beaucoup à apprendre de Cuba et vice-versa.
  • Le 23 octobre 2014, le révérend Jesse Jackson écrivait dans le Florida Courier pour refuser le blocus, mettre en valeur le travail de Cuba dans la lutte contre le virus Ébola et signaler la coopération que les deux pays pourraient établir sur ce point précis.
  • Le 17 décembre 2014, se déclaraient en faveur des mesures annoncées par le président Obama vis-à-vis de Cuba : la Conférence des évêques catholique des États-Unis ; Mgr Thomas Werski, l’archevêque de Miami ; Bille Reinsch, président du Conseil national du commerce extérieur ; Bob Stallman, président de l’American Farm Bureau Federation, des universitaires prestigieux et des membres de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS). De son côté, Thomas Donohue, président de la Chambre de commerce des États-Unis, tout en se félicitant de ces mesures, indiquait que son association continuerait d’exercer des pressions jusqu’à la levée du blocus.
  • Le 18 décembre 2014, Colin Powell, ancien secrétaire d’État, affirmait qu’il était temps de tourner la page dans les relations entre les deux pays.
  • Penny Pritzker, secrétaire au Commerce, exprimait dans une interview à CNN consacrée aux relations entre les deux pays que c’était là le changement le plus profond jamais enregistré dans la politique envers Cuba. Tout en reconnaissant que de nouvelles possibilités commerciales s’ouvraient désormais dans les télécommunications, le secteur agricole et le nouvel entrepreneuriat privé grâce aux mesures annoncées, il fallait encore lever le blocus.
  • Le 7 janvier 2015, la représentante démocrate de Californie, Barbara Lee, suscitait un débat à la Chambre des représentants en faveur du rétablissement des relations entre les deux pays, soutenue par plusieurs représentants démocrates : Sam Johnson et Sheila Jackson Lee (Texas) ; Kathy Castor (Floride) ; Gregory Meeks (New York) ; Jared Polis et Rosa DeLauro (Colorado) ; Sam Farr (Californie)  et Steve Cohen (Tennessee), qui ont appuyé la décision du président et reconnu l’échec de la politique traditionnelle, tout en signalant que la nouvelle apporterait aussi des bénéfices économiques aux États-Unis.
  • Le 8 janvier 2015, l’US Agriculture Coalition for Cuba a tenu une conférence de presse au National Press Club pour réclamer la levée du blocus, en présence de Tom Vilsack, secrétaire à l’Agriculture. Jerry Moran, sénateur républicain du Kansas, y a déclaré que la politique actuelle était inefficace et a réclamé la levée du blocus pour stimuler les exportations agricoles des États-Unis vers Cuba, tandis qu’Amy Klobuchar, sénatrice démocrate du Minnesota, a affirmé que Cuba représentait une occasion comme nouveau marché de onze millions de consommateurs.
  • Le 19 janvier 2015, soixante-dix-huit personnalités (hommes d’affaires, universitaires, anciens fonctionnaires du gouvernement, anciens membres du Congrès, anciens militaires et figures influentes en général) favorables au changement de politique envers Cuba, ont adressé une lettre au président Obama pour le féliciter des mesures qu’il avait prises, ce qui traduit bien le vaste appui que ces changements reçoivent de l’ensemble du spectre politique, compte tenu de l’échec de l’approche maintenue pendant plus de cinquante ans, et ont demandé au président de travailler auprès du Congrès pour actualiser le cadre législatif envers Cuba en accord avec les réalités du XXIe siècle.
  • Le 24 février 2015, Nancy Pelosi, démocrate de Californie et leader de ce parti à la Chambre des représentants, et d’autres législateurs démocrates de retour d’un voyage à Cuba, ont tenu une conférence de presse au Congrès, affirmant qu’il existe « un engagement bipartite très fort » en faveur d’un changement des relations qui aide à consolider la nouvelle politique envers Cuba.
  • Le 3 mars 2015, Devry Boughner, présidente de l’US Agriculture Coalition for Cuba, a estimé que la levée du blocus favoriserait les exportations du pays vers Cuba et créerait des occasions dans les deux pays, l’aspiration devant être d’établir des relations commerciales réciproques.
  • Le 1er avril 2015, cinq anciens secrétaires à l’Agriculture des deux partis – Clayton Yeutter, Dan Glyckman, Ann Veneman, Mike Espy et John Block – ont adressé une lettre aux présidents et aux leaders de la minorité des commissions de l’Agriculture du Sénat et de la Chambre des représentants pour demander la levée du blocus, tout en signalant que les sanctions unilatérales désavantageaient en matière de concurrence les exportations et les affaires étasuniennes.
  • Le 7 avril 2015, treize représentants conduits par Karen Bass et Barbara Lee, démocrates de Californie, ont adressé une lettre à John Kerry, secrétaire d’État, pour l’inviter à autoriser la demande concernant la vente aux États-Unis du médicament cubain Heberprot-P.
  • Le 8 avril 2015, Thomas Donohue, président de la Chambre de commerce des États-Unis, de passage au Panama, s’est dit « optimiste » et a estimé que le Congrès lèverait le blocus avant le démarrage de la campagne présidentielle de 2016, malgré l’opposition républicaine.

Toujours plus de législateurs sont favorables à la levée du blocus. À la suite de la décision présidentielle du 17 décembre 2014, douze projets de loi contre le blocus ont été présentés à la Chambre et au Sénat, dont la plupart demandent directement la levée du blocus ou l’élimination des piliers de cette politique, telles les restrictions aux voyages d’Étatsuniens à Cuba et au commerce avec l’île, les plus significatifs étant les suivants :

  • Élimination de l’ensemble des restrictions imposées par le blocus :
  • R. 274 ou Loi de normalisation entre les États-Unis et Cuba (Chambre, 12 janvier 2015).
  • R. 735 ou Loi de réconciliation avec Cuba (Chambre, 2 avril 2015).
  • Élimination des restrictions commerciales :
  • R. 403 ou Loi de libre-échange avec Cuba (Chambre, 16 janvier 2015).
  • R.634 ou Loi relative à la libre exportation à Cuba (Chambre, 2 février 2015).
  • 491 ou Liberté d’exportation à Cuba (Sénat, 12 février 2015)
  • 1543 ou Loi sur le commerce avec Cuba (Sénat, 16 juin 2015).
  • Élimination des restrictions aux voyages :
  • R. 664 ou Loi relative à la liberté de voyage à Cuba (Chambre, 2 février 2015)
  • 299, loi identique (Sénat, même jour).

5.2. Opposition de la communauté internationale

La politique de blocus périmée, illégale et moralement insoutenable envers Cuba a été fermement rejetée par la communauté internationale, comme le prouvent les communiqués spéciaux et les déclarations en demandant la levée adoptées par des instances internationales et régionales. On en trouvera ci-après quelques exemples :

  • Au débat de haut niveau qui a ouvert la soixantième-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, quarante-trois chefs de délégation, dont dix-neuf chefs d’État ou de gouvernement, ont demandé la levée du blocus.
  • Le 28 octobre 2014, l’Assemblée générale a voté pour la vingt-troisième fois d’affilée, par 188 voix contre 2 et 3 abstentions, la résolution intitulée : « Nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique ».

Vingt-trois orateurs sont intervenus dans le débat, dont sept représentants de groupes de concertation et d’organisation régionales et sous-régionales : Groupe des 77 et la Chine ; Mouvement des pays non alignés ; Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC) ; Communauté des Caraïbes (CARICOM) ; Groupe africain ; Organisation de la coopération islamique ; Marché commun du Sud. Une fois la résolution adoptée, quinze délégations ont tenu à expliquer leur vote.

  • Le 30 septembre 2014, à New York, les ministres des Affaires étrangères du Groupe des 77 et la Chine réunis dans le cadre de la soixante-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, ont rejeté dans leur Déclaration le blocus contre Cuba et les mesures coercitives appliquées de manière unilatérale à des pays en développement.
  • La quarantième réunion ministérielle ordinaire du Conseil du Système économique latino-américain (SELA), tenue au Venezuela le 28 novembre 2014, a adopté la déclaration intitulée : « Levée du blocus économique, commercial et financier contre Cuba ».
  • Le Vingt-quatrième Sommet ibéro-américain de chefs d’État ou de gouvernement, tenu à Veracruz (Mexique) les 8 et 9 décembre 2014, a demandé dans un Communiqué spécial la levée du blocus, dont la Loi Helms-Burton, réitérant « son refus le plus énergique de lois et mesures contraires au droit international » et pressant instamment l’administration étasunienne de cesser cette politique et de tenir compte des vingt-trois résolutions adoptées dans ce sens par l’Assemblée générale des Nations Unies.
  • Le Troisième Sommet de la Communauté des États latino-américains et caribéens (CELAC), tenu à Belén (Costa Rica) les 28 et 29 janvier 2015, tout en appelant de nouveau, dans sa Déclaration politique, l’administration étasunienne à lever le blocus, a adopté un Communiqué spécial dans lequel il se félicite de la décision annoncée le 17 décembre et presse instamment le président Obama « d’adopter toutes les mesures à sa portée dans le cadre de ses facultés exécutives pour modifier dans le fond le blocus contre Cuba et le Congrès des États-Unis d’engager dans les meilleurs délais un débat portant sur son élimination ».
  • Au vingt-quatrième Sommet de l’Union africaine (UA), tenu à Addis-Abeba (Éthiopie) les 30 et 31 janviers 2015, les chefs d’État et de gouvernement ont adopté une résolution dans laquelle ils demandent la levée du blocus.
  • Le Deuxième Sommet Union européenne-CELAC, tenu à Bruxelles (Belgique) les 10 et 11 juin 2015, a adopté la Déclaration dite de Bruxelles dans laquelle les chefs d’État ou de gouvernement des deux groupements, tout en accueillant avec satisfaction la décision annoncée par le président de la République de Cuba, Raul Castro, et celui des États-Unis, Barack Obama, de renouer les relations diplomatiques, ont déclaré qu’ils attendaient que toutes les mesures nécessaires seraient prises pour lever l’embargo. Eu égard à la résolution A/RES/69/5 de l’Assemblée générale des Nations Unies, ils ont réaffirmé leur position bien connue contraire aux mesures coercitives unilatérales et à l’application des clauses extraterritoriales de la Loi Helms-Burton, reconnu que ces mesures avaient eu des conséquences humanitaires illégitimes sur le peuple cubain et qu’elles portaient préjudice au développement légitime des relations commerciales entre Cuba, l’Union européenne et d’autres pays.

 

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